En droit des affaires, il arrive de confondre le « médiateur d’entreprise » et le « médiateur agréé » parce que leur mission et les règles qui les encadrent ne sont pas suffisamment connues. La terminologie générale utilisée et les possibles chevauchements ne contribuent pas à distinguer ces deux fonctions et soulèvent parfois plus de questions que de réponses.
Nous énumérons ci-dessous les différences et les similarités.
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Bases légales – Champs d’application
La nomination d’un médiateur d’entreprise est prévue par l’article XX.36 du Code de droit économique dans le but de « faciliter la réorganisation de tout ou partie des actifs ou des activités du débiteur ». Le débiteur peut s’adresser au Président du tribunal de l’entreprise ou de la chambre des entreprises en difficulté pour ce faire. Le champ d’application de l’article XX.36 CDE se limite clairement aux situations ayant lieu avant et pendant la réorganisation judiciaire des entreprises en difficulté.
Les médiateurs agréés interviennent, quant à eux, dans le processus de médiation de conflits, tel que visés aux articles 1724 et suivants du Code judiciaire ; ils sont désignés soit par les parties, soit par les juges pour contribuer à résoudre amiablement le litige existant. Le champ d’application de l’article 1724 du Code Judiciaire comprend les litiges civils, commerciaux et sociaux, susceptibles d’être réglés et il s’étend donc bien au-delà des problèmes des entreprises en difficulté.
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Qualifications nécessaires
Les médiateurs d’entreprise ne sont pas tenus de posséder certaines qualités juridiques, car il n’y en a pas. Dans la pratique, il s’agit généralement de professionnels ayant une connaissance très approfondie du droit de l’insolvabilité et du droit des affaires, tels des avocats, des comptables, des auditeurs, pouvant parfois agir aussi en tant qu’administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires, liquidateurs, etc… Ce sont en outre des négociateurs expérimentés, ayant une approche pragmatique et orientée vers des solutions. Au Tribunal néerlandophone de l’entreprise de Bruxelles, il n’existe aucune liste de médiateurs d’entreprise, le tribunal préférant d’ailleurs que les parties les désignent de leur propre initiative.
En revanche, les médiateurs agréés doivent respecter une série d’obligations, figurant à l’article 1726 du Code judiciaire ; la formation de ces médiateurs comprend actuellement 90 heures de théorie et de pratique, outre une formation continue de 18 heures tous les deux ans avec un accent spécifique sur les techniques de médiation et le processus de médiation lui-même[1] . Enfin, l’article 1733 du Code Judiciaire permet d’homologuer l’accord de médiation signé par un « médiateur agréé », afin qu’il ait les mêmes effets qu’un jugement d’accord exécutoire, non susceptible d’appel ou de cassation, ce qui est un avantage certain. Une liste des très nombreux médiateurs agréés existe. Elle est publiée sur le site de la Commission fédérale de médiation.
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Tâches essentielles du médiateur d’entreprise
Comme déjà mentionné, les entreprises en difficulté pourront faire appel à un médiateur d’entreprise pour préparer et faciliter différents types d’accords et plus particulièrement, un accord amiable individuel avec un minimum de deux créanciers (XX.37 ou XX.65 CDE), un accord collectif sur un plan de réorganisation (XX.67 à XX.75 CDE) ou un transfert d’actifs ou d’activités sous autorité judiciaire (XX.84 et XX.85 RCE).
En pratique, son mandat peut prendre des formes très diverses et spécifiques puisqu’il peut même se cumuler avec d’autres mandats. Il peut par exemple agir dans les relations avec les créanciers (dans le cadre d’un plan de remboursement), mais aussi dans celles avec les salariés, les actionnaires et les pouvoirs publics ; au sein de grands groupes, il doit parfois veiller aux intérêts individuels de chaque société et surveiller les conflits d’intérêts entre elles ; il peut aussi se voir confier un mandat pour superviser la vente programmée de certains actifs, prévue dans un plan de réorganisation, bien que cette dernière tâche relève plutôt d’un mandataire ou d’un administrateur judiciaire.
Comme selon le modèle français, il est préférable de faire appel le plus tôt possible, à un médiateur d’entreprise jouissant de la pleine confiance du tribunal et des différentes parties prenantes : il sert alors d’intermédiaire, évalue discrètement les mesures de réorganisation envisageables. L’expérience et l’autorité du médiateur d’entreprise facilitent le rétablissement du déséquilibre que peut connaître un débiteur dans ses négociations confidentielles avec certains créanciers importants, afin de parvenir à des accords amiables[2]. En règle générale, le médiateur d’entreprise ne cosignera pas ces accords à l’amiable.
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Rôle du médiateur agréé
Le médiateur agréé est le professionnel neutre, indépendant et impartial, dont la compétence repose sur les techniques de communication et qui va tenter de rétablir le dialogue entre les parties en écoutant et en favorisant une communication respectueuse.
Toutefois, il n’est pas nécessaire qu’il soit un « spécialiste » d’une branche du droit ou d’une question technique, même si cela peut bien sûr faciliter ou accélérer considérablement sa compréhension de certaines situations. Il ne tranche pas le litige et ne prodigue pas de conseils, mais il peut renvoyer les parties à des conseillers dans certains cas.
Au début de la médiation, le médiateur donnera toutes précisions aux parties sur son rôle, le déroulement du processus de médiation, le cadre juridique de la médiation et la signature du protocole de médiation. Il s’assurera de la bonne compréhension des parties quant aux engagements qu’elles prennent en signant ce document : obligation de confidentialité, acceptation du caractère volontaire, bonne foi dans la participation aux réunions, acceptation de la personne du médiateur et de sa rémunération.
Si la médiation aboutit à un accord, partiel ou total, il incombera également au médiateur d’attirer l’attention des parties sur l’importance de le formaliser d’autant plus si elles souhaitent que l’accord soit homologué par le tribunal.
Si le médiateur estime qu’une partie abuse du processus de médiation (par exemple pour gagner du temps ou obtenir des informations), il doit arrêter la médiation.
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Et quelles sont les similarités ?
L’un et l’autre médiateurs œuvrent dans la confidentialité et sont considérés comme des confidents, ce qui leur permet d’amener efficacement les parties aux solutions souhaitées.
Leur tâche consiste à consigner (ou faire consigner) les solutions trouvées dans des accords qui, dans de nombreux cas, peuvent être homologués par les tribunaux :
- Pour le médiateur agréé, il s’agit d’accords de médiation, généralement préparés par les conseils des parties, sauf si on demande au médiateur de s’en charger ;
- Le médiateur d’entreprise peut apporter son aide dans le cadre d’accords collectifs et de transferts sous autorité de justice, mais plus encore dans le cadre d’accords amiables, avant ou après l’ouverture de la réorganisation judiciaire (XX.36 CDE).
L’homologation des accords susmentionnés fournit aux parties un titre exécutoire.
Enfin, les honoraires desdits médiateurs sont généralement exprimés en taux horaire et majorés de coûts. Compte tenu des grandes variations en termes d’expérience, de durée et de nature de leurs missions, il reste difficile de convenir d’un budget précis. Les tribunaux n’interviennent pas dans ce domaine, bien qu’au sein de la section francophone du Tribunal de l’entreprise de Bruxelles circulent des taux horaires gradués en fonction de l’importance d’une affaire.
Conclusion : un médiateur n’est après tout pas l’autre…
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[1] L’une des conditions d’accréditation se lit comme suit : 2° avoir suivi une formation théorique, comprenant notamment un volet juridique, et pratique, relative à l’aptitude à la médiation et au processus, portant sur les connaissances et compétences générales et spécifiques à un domaine particulier de pratique de la médiation au sens du présent Code et avoir réussi les épreuves d’évaluation y attachées ;
[2] Les accords amiables sont conclus de manière strictement confidentielle par le débiteur avec un minimum de deux créanciers. Le contenu est n’est pas défini, sous réserve d’une clause expresse de confidentialité et d’une clause expresse d’indivisibilité. L’accord doit être spécifiquement destiné à la réorganisation de l’entreprise et donc dûment justifié. L’accord est enregistré confidentiellement sur Regsol, ce qui n’empêche pas que les employés doivent être informés des mesures de réorganisation importantes les concernant. L’accord ne lie pas les tiers mais leur est opposable. Enfin, cet enregistrement sur Regsol offre une double protection pour l’avenir : le curateur ne pourra pas faire annuler son contenu (par exemple à cause d’une transaction pendant la période suspecte), sauf en cas de fraude, et les créanciers participant à un accord amiable ne seront pas tenus responsables en cas d’échec futur.
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