
Dans un arrêt du 19 juillet 2018, la Cour constitutionnelle a répondu par la négative à la question de savoir s’il était discriminatoire de traiter distinctement au plan de la sécurité sociale, les indemnités perçues par les artistes (interprètes ou exécutant) en raison de la cession de leurs droits d’auteur, suivant qu’ils aient le statut de travailleur salarié ou indépendant.
On se souviendra que dans un arrêt du 15 septembre 2014, la Cour de cassation avait jugé que «l’indemnité payée par l’employeur à un artiste-interprète ou exécutant lié par un contrat de travail en raison de la cession des droits patrimoniaux à laquelle l’artiste s’est engagé lors de la conclusion du contrat de travail, constitue la contrepartie de la cession des droits relatifs aux prestations effectuées en exécution du contrat de travail. Dès lors, cette indemnité constitue, en règle, un avantage auquel le travailleur a droit à charge de l’employeur en raison de son engagement et, en conséquence, fait partie de la rémunération sur la base de laquelle les cotisations de sécurité sociale sont calculées ».
Se fondant sur cette décision de principe, les juridictions du travail avaient pris le pas d’assimiler à de la rémunération toutes les indemnités versées en contrepartie de la cession des droits d’auteur, aux artistes (présumés affiliés au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés – voy. art. 1er bis de la loi du 27 juin 1969), l’employeur étant condamné au paiement de cotisations sociales (C. trav. Bruxelles, 2 février 2017, RG 2015/AB/1.047).
D’un autre côté, les travailleurs (y compris les artistes) indépendants qui perçoivent de telles indemnités en contrepartie de la cession de leurs droits d’auteur, ne sont redevables d’aucune cotisation de sécurité sociale sur ces indemnités.
Par un arrêt du 11 mai 2017, le Cour du travail de Bruxelles a posé la question préjudicielle à la Cour constitutionnelle de savoir si cette différence de traitement n’était pas discriminatoire.
La Cour y a répondu ce 19 juillet 2018 par la négative jugeant que « la liberté de choix offerte à l’artiste justifie objectivement et raisonnablement la différence de traitement» rappelant le caractère réfragable de la présomption d’assujettissement prévue à l’article 1er bis de la loi du 27 juin 1969.
Ainsi, si les artistes bénéficient d’une présomption d’affiliation au régime de sécurité sociale des travailleurs salariés «afin de garantir effectivement la protection sociale des artistes », « l’artiste peut toutefois renverser la présomption d’assujettissement des travailleurs salariés à la sécurité sociale s’il démontre qu’il ne fournit pas les prestations ou les productions dans des conditions socio-économiques similaires à celles dans lesquelles se trouve un travailleur salarié par rapport à son employeur. (…) L’artiste est alors assujetti à la sécurité sociale des travailleurs indépendants. Dans ce cas, l’artiste ne bénéficie plus de la protection qui lui était destinée sous le statut de travailleurs salarié, étant donné qu’il opte lui-même pour le statut social de travail indépendant ».
Partant, la différence de traitement est, suivant les termes de la Cour, objectivement et raisonnablement justifié par le choix posé par l’artiste d’opter pour l’un ou l’autre régime de sécurité sociale et des conséquences qui y sont liées.
La question demeure de savoir si l’enseignement d’un tel arrêt, rendu dans le cadre du statut sui generis des artistes, est transposable à toute autre activité exercée dans le cadre d’une relation indépendante dans laquelle le collaborateur est rémunéré pour la cession de ses droits d’auteur et/ou voisins (tel les architectes, les designers de site internet, etc). En tout état de cause, et à ce jour, aucune cotisation de sécurité sociale n’est due en cas de cession de droits d’auteur par ces collaborateurs indépendants. La situation pourrait cependant évoluer suite à une contestation de l’INASTI qui amènerait la Cour à se positionner différemment en l’absence de régime sui generis pour de tels collaborateurs. La vigilance reste de mise.
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