
L’un de vos débiteurs n’a pas honoré ses dettes depuis un certain temps. Après plusieurs rappels restés sans réponse et alors que vous hésitez à introduire une procédure judiciaire pour recouvrer votre créance, votre débiteur vous informe être entré en procédure de réorganisation judiciaire.
A cet effet, vous recevez de sa part une liste, dans laquelle vous êtes laconiquement identifié en tant que ‘créancier ordinaire’, pour un montant ne correspondant pas aux impayés pourtant dus.
De quoi s’agit-il et comment réagir ?
1. Comprendre les enjeux de la procédure en réorganisation judiciaire
Si votre débiteur vous a notifié son entrée en procédure de réorganisation judiciaire, c’est qu’il éprouve des difficultés financières importantes, de telle sorte que la continuité de ses activités est menacée.
L’ouverture d’une telle procédure vise donc à lui permettre de redresser sa situation avant qu’une faillite n’intervienne, et ainsi éviter les lourdes conséquences qui y sont associées.
2. Identifier le but poursuivi par la procédure en réorganisation judiciaire
En vue de préserver les actifs du débiteur, la procédure peut poursuivre trois objectifs différents : la conclusion d’accords amiables avec au moins de deux de ses créanciers, d’un accord collectif requérant l’approbation d’une majorité de créanciers représentant par leurs créances au moins la moitié des sommes dues en principal, ou le transfert d’activité sous autorité de justice.
Jusqu’à l’adoption de l’une de ces mesures, le débiteur bénéficie d’un sursis d’une durée de 6 à 12 mois (et exceptionnellement à 18 mois) au cours duquel les créances sont figées, faisant obstacle à d’éventuelles exécutions et empêchant qu’il soit déclaré en faillite.
L’accord collectif est l’outil le plus couramment sollicité dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire. Il impose au débiteur de privilégier ses ‘créanciers sursitaires extraordinaires’ au détriment de ses ‘créanciers sursitaires ordinaires’ : alors que ces premiers verront leurs créances payées en intégralité dans un délai de deux ans, les autres pourront voir les leurs abattue jusqu’à 80 pourcents et n’en récupérer le solde qu’après 5 ans.
3. Vérifier la qualité de votre créance et son montant et, le cas échéant, introduire une contestation
En principe, vous serez considéré comme créancier extraordinaire si vous détenez, à l’égard de votre débiteur, une créance garantie par une sureté réelle (gage, hypothèque,…) ou sécurisée par un titre de propriété, par exemple si vous êtes le bailleur de votre débiteur, si une clause de réserve de propriété a été rédigée en votre faveur, ou encore si vous êtes donneur de leasing. Dans ces cas, votre créance devra être payée en intégralité. Dans les autres cas, vous serez considéré comme créancier ordinaire et votre créance pourra faire l’objet d’un abattement conséquent.
Il n’est toutefois pas exclu que votre débiteur ne vous ait pas intégré dans la bonne catégorie, ni même qu’il ait assigné un montant inexact à votre créance, ce qui peut se révéler particulièrement préjudiciable si cela n’est pas rectifié.
Ainsi, par exemple, si le débiteur dispose d’un nombre important de créanciers, il est évident qu’il ne sera pas procédé à une vérification au cas par cas des conditions générales applicables pour examiner si celles-ci prévoient une clause de réserve de propriété, qui permet pourtant de rejoindre la catégorie des créanciers extraordinaires.
Il est dès lors nécessaire de vérifier avec attention le montant de votre créance, la sureté ou le titre dont vous pouvez vous prévaloir et, le cas échéant, d’introduire une contestation devant le tribunal de l’entreprise connaissant de la procédure en réorganisation judiciaire pour que les corrections qui s’imposent soit opérées. Avant d’initier cette contestation formelle, rien ne vous empêche toutefois d’inviter votre débiteur à effectuer ces changements de façon amiable de sorte à actualiser la liste de ses créanciers.
4. Mesurer l’importance de vos actifs pour votre débiteur afin d’obtenir un paiement immédiat
Que vous soyez créancier sursitaire extraordinaire ou ordinaire, il vous est possible d’obtenir un paiement immédiat et intégral de votre créance, sans avoir égard au sursis en cours, si ce paiement est considéré comme nécessaire à la continuité de l’entreprise en difficulté.
Avoir égard à l’importance de vos actifs pour le business de votre débiteur est donc primordial, car cela pourrait permettre d’obtenir un levier encore plus avantageux que celui offert par la titularité d’une créance extraordinaire. En fonction de la nature des activités menées par le débiteur, différentes sortes d’actifs peuvent en effet s’avérer essentielles : expertise spécifique, connaissances technologiques, accès à des ressources primordiales pour le débiteur, … Dans ces circonstances, il conviendra de vérifier si le débiteur peut se passer de vos produits et ou services, ou si au contraire il lui est difficile de vous remplacer à court ou moyen terme par un autre fournisseur.
5. Ne pas perdre de vue que l’homologation du plan ne fait pas obstacle à une procédure au fond
Pour être le cas échéant homologué, le plan de redressement du débiteur doit être d’abord approuvé par la majorité des créanciers détenant au moins la majorité des créances. Si la contestation de la qualité et du montant de votre créance n’a pas été reçue et que le plan est homologué, la situation n’est toutefois pas définitivement figée.
Dans le cadre d’une procédure en réorganisation judiciaire, la contestation de créance n’est en effet analysée qu’à titre provisoire et prima facie, c’est-à-dire sur une apparence de droit. Vous restez donc libre d’introduire une procédure au fond, au cours de laquelle vos arguments feront l’objet d’une étude plus attentive, sans être soumis au caractère hâtif d’une procédure en réorganisation judiciaire.
Si vous obtenez gain de cause, par exemple car un titre de propriété est reconnu en votre faveur, alors votre créance devra être payée conformément aux créances de même nature, c’est-à-dire selon le traitement réservé aux créances extraordinaires.
En conclusion les créanciers ne sont surement pas démunis face à l’annonce de l’entrée en PRJ de leur débiteur et outre les cinq conseils évoqués ci-dessus nous renvoyons à d’autres astuces en cliquant ici.
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