Jan 22, 2025
Lorsqu’une entreprise est en état de cessation de paiement et que son crédit est ébranlé, elle doit déposer son bilan dans un délai d’un mois. Dans une faillite classique, le tribunal déclare immédiatement l’entreprise en faillite et le jugement de faillite est publié. Un curateur y est nommé, ainsi qu’un juge-commissaire pour superviser la procédure.
Depuis l’entrée en vigueur des articles XX.97/1 à XX.97/6 le 1er septembre 2023, le Code de droit économique permet à une société en état de faillite de se préparer à la faillite, en toute discrétion à savoir, sans publicité.
Une faillite silencieuse (également appelée « pre-pack », selon l’exemple anglo-saxon) est initiée par le dépôt d’une requête dans laquelle le débiteur démontre que cette méthode de préparation (1) facilitera la liquidation de l’entreprise en permettant de désintéresser au maximum l’ensemble des créanciers et (2) préservera l’emploi au mieux. La chambre du conseil examinera cette demande dans un délai de trois jours ouvrables. Si la demande est acceptée, le tribunal de l’entreprise désignera un curateur potentiel et un juge-commissaire potentiel pour une période maximale de trente (30) jours, prorogeable de 30 jours au maximum. En principe, ils agiront en tant que curateur et juge-commissaire dans le cas où la société serait effectivement déclarée en faillite. Pendant la procédure, aucun sursis n’est accordé et il reste possible pour un créancier de demander la faillite de la société. L’entreprise pourrait encore elle-même déposer le bilan, pendant la phase préparatoire.
Le curateur potentiel représente les intérêts des créanciers et doit examiner la faisabilité de l’objectif proposé par le débiteur. Il doit vérifier en particulier si la cession se réaliserait en faveur de parties liées, et le cas échéant en informer le juge-commissaire.
L’avantage de cette procédure, par rapport à la faillite traditionnelle, est la maîtrise de la situation par le débiteur. La faillite silencieuse permet donc au débiteur de préparer le transfert d’une partie ou de la totalité de ses actifs ou de ses activités, dans un court laps de temps avant la déclaration de faillite. Ce n’est qu’après la déclaration de faillite que le transfert aura effectivement lieu. Comme ce transfert est réalisé dans un contexte de continuité d’exploitation, cette pratique permet de maximiser le produit de la vente au profit des créanciers.
Cette nouvelle faillite silencieuse présente également d’autres avantages non négligeables :
- Bien que ce soit un point d’attention pour le curateur potentiel et le juge-commissaire potentiel, la cession pourrait se faire à une partie « liée » aux actionnaires ou administrateurs existants.
- Le risque que le transfert convenu soit annulé à la demande du curateur est limité, étant donné que la préparation se sera déroulée sous son contrôle et celui du juge-commissaire potentiel. En raison du mode de calcul des honoraires du curateur, ce dernier est lui aussi incité à réaliser un transfert valable après sa nomination.
- La Cour de Cassation, dans un arrêt du 19 janvier 2006, a défini la notion de liquidation de fait, lorsque les administrateurs d’une société procèdent effectivement à la liquidation, au mépris des règles de priorité entre créanciers. Le risque de responsabilité à cet égard est pratiquement éliminé par la faillite silencieuse.
- L’obligation de demander et de transférer les certificats fiscaux et de sécurité sociale au cessionnaire, sous peine de responsabilité solidaire des dettes du cédant, ne joue pas en cas de faillite.
Les effets de la CCT 32bis en cas de transfert dans la continuité après une faillite sont limités ; seules l’ancienneté et les éventuelles CCT doivent être reprises. En outre, le repreneur peut choisir librement le personnel à engager. Les discussions sur le sujet semblent avoir été définitivement closes par la doctrine.
La pratique fait également apparaître de nouvelles questions et préoccupations :
- La faillite silencieuse semble pour l’instant impopulaire, hormis quelques dossiers médiatisés. Dans l’arrondissement du Brabant flamand et de Bruxelles néerlandophone, où les tribunaux de l’entreprise néerlandophones de Bruxelles et de Louvain sont compétents, seules huit faillites silencieuses ont été prononcées à ce jour. Les cas devant les tribunaux francophones sont plus fréquents.
- Il n’existe aucune garantie ferme que le transfert convenu sera effectivement exécuté par le curateur après le prononcé de la faillite. En effet, le curateur n’est pas obligé de réaliser le transfert. Un curateur prudent qui estime que le transfert convenu n’est pas optimal peut toujours consulter le marché et éventuellement transférer les actifs à un tiers.
- Dans la pratique, le juge-commissaire, qui a souvent un pied dans le monde des affaires, a une influence considérable sur l’analyse du prix de la cession convenue, malgré son rôle légalement limité.
- Enfin les curateurs potentiels estiment que leurs pouvoirs sont trop limités pour protéger de manière adéquate les intérêts des créanciers. En outre, il n’existe pas de mécanisme de contrôle par une autorité judiciaire dans la mise en œuvre du transfert convenu, lequel est en pratique réglementé sur base de l’article XX.142 du CDE régissant le transfert urgent d’actifs sujets à une dépréciation rapide.
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