
Dans un arrêt prononcé ce 5 juillet 2018, la Cour constitutionnelle a jugé que « la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, [dans l’interprétation selon laquelle elle ne s’appliquerait pas au licenciement des contractuels de la fonction publique] ».
Cet arrêt fait suite à une longue controverse née de l’arrêt du 12 octobre 2015 par lequel la Cour de cassation avait jugé que la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs et le principe audi alteram partem ne s’appliquaient tout deux pas aux licenciements des agents contractuels du secteur public, alors que les agents statutaires bénéficient de telles garanties si l’autorité décide de rompre la relation statutaire.
Nombreux étaient ceux qui avaient dénoncé une différence de traitement entre ces deux catégories d’agents, contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (cfr arrêt KMC c. Hongrie du 10 juillet 2012).
Alors que la Cour constitutionnelle avait dénoncé, au travers de deux arrêts rendus successivement le 6 juillet 2017 et le 22 février 2018, une différence de traitement incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, concernant le principe audi alteram partem (voy. notre précédente news), elle valide la position défendue par la Cour de cassation dans son arrêt du 12 octobre 2015 en ce qui concerne l’absence d’obligation formelle, jugeant qu’ :
« En autorisant une autorité publique à licencier un travailleur avec lequel elle a conclu un contrat de travail, sans obliger cette autorité à motiver formellement le licenciement, les articles 1er à 7 de la loi du 29 juillet 1991 créent une différence de traitement entre ces travailleurs et les agents statutaires qui ont le droit de connaître les motifs ayant présidé à la décision de licenciement.
(…) Ces spécificités ne doivent toutefois être prises en considérant que par rapport à l’objet et à la finalité des dispositions en cause. L’agent statutaire qui fait l’objet d’une cessation de fonction et l’agent contractuel qui reçoit son congé se trouvent dans une situation différente, quant à l’application de la loi du 29 juillet 1991 relative à la motivation formelle des actes administratifs. »
Ainsi, s’il existe certes une différence de traitement entre les agents contractuels et statutaires, la Cour juge cette différence de traitement raisonnablement justifiée par un objet et des finalités différentes.
La Cour relève que les agents statutaires voient leur emploi garanti par le fait qu’une cessation de fonction ne peut intervenir que sur la base de motifs expressément énumérés par son statut. Le caractère permanent de l’emploi constitue une caractéristique substantielle de la fonction statutaire. L’autorité a dès lors l’obligation d’identifier adéquatement le motif du licenciement prévu par le statut lorsqu’elle prend la décision de rompre une relation statutaire, l’agent ayant le droit de connaitre rapidement la motivation sous-jacente à une telle décision pour la contester valablement, dans le bref délai imparti (60 jours), par un recours en annulation devant le Conseil d’Etat.
Face à un agent contractuel, l’autorité peut le licencier pour tout motif raisonnable, l’agent pouvant contester cette motivation au travers d’un recours devant les juridictions du travail, endéans l’année suivant la cessation des relations contractuelles.
En conclusion, contrairement à ce qu’elle avait pu juger précédemment concernant le principe audi alteram partem, la Cour constitutionnelle ne vient cette fois-ci pas infléchir la position de la Cour de cassation par rapport à l’absence d’obligation formelle du licenciement des agents contractuels du service public.
Partant, les autorités administratives ne doivent pas indiquer formellement dans la décision ou la lettre de notification du licenciement, les motifs fondant leur décision.
Cependant la prudence reste de mise, la Cour ayant rappelé l’enseignement tiré de son arrêt du 30 juin 2016 dans lequel, elle relevait que «dans l’attente de l’intervention du législateur, il appartient aux juridictions, en application du droit commun des obligations, de garantir sans discrimination les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable, en s’inspirant, le cas échéant, de la convention collective de travail n°109 ».
Ainsi, il est conseillé aux autorités administratives de pouvoir motiver – ne fut-ce qu’à postériori – raisonnablement tout licenciement d’un agent contractuel, sous peine de se voir condamner au paiement de dommages et intérêts équivalents de 3 à 17 semaines de rémunération.
Partant, si l’obligation de motivation formelle disparait, l’obligation de motivation matérielle du licenciement demeure…
Arrêt : C.Const., 5 juillet 2018, n° 84/2018
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