Dans une news d’août 2020, nous vous faisions part du revirement de la position de l’administration fiscale fédérale concernant le sort fiscal à réserver aux « achats scindés », suite à l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 18 juin 2018 et ne concernant que la position de l’administration fiscale flamande (VLABEL).
L’achat scindé est, pour rappel, une technique de planification patrimoniale qui consiste pour des parents à acquérir en usufruit, un bien mobilier ou immobilier, et pour leur(s) enfant(s), d’en acquérir la nue-propriété, étant entendu que sur le plan civil, l’usufruit s’éteint au décès des parents. Les enfants deviennent légalement -et non par vocation héréditaire– ‘pleins propriétaires’ du bien. Le bien ne tombe en effet pas dans l’assiette de la succession de leurs auteurs de sorte qu’il n’y a en principe pas de taxation ou de droits de succession.
Le fisc avait pourtant instauré une fiction légale de donation déguisée, de sorte à ce que le bien fasse, dans sa totalité, partie de la succession de leur parent(s)-usufruitier(s) décédé(s) parce que les enfants n’avaient sans doute pas financé eux-mêmes l’achat de leur nue-propriété…
Par le passé, l’administration fiscale fédérale permettait de renverser la présomption, à condition que (i) s’il y avait eu donation de fonds aux enfants, elle ait été enregistrée (impliquant nécessairement le prélèvement des droits de donation) avant l’acquisition du bien, (ii) soit le contribuable puisse démontrer l’absence de lien entre la donation et l’achat (im)mobilier.
Cette position fut reprise par VLABEL et étendue, en 2016, aux transferts scindés de (portefeuilles-) titres et placements d’argent jusqu’à l’arrêt du 12 juin 2018 du Conseil d’Etat précisant que la manière dont l’acquéreur en nue-propriété avait obtenu les fonds destinés à l’achat de celle-ci était sans importance. De la sorte, la question de savoir si la donation avait fait ou non l’objet d’un enregistrement préalable devenait sans incidence.
L’administration fiscale fédérale a respecté cet arrêt de sorte que, pour tous les achats scindés réalisés après le 1er août 2020, il suffisait, pour apporter la preuve contraire, que le nu-propriétaire prouve que la donation avait eu lieu préalablement à la signature de l’acte d’achat, ni plus, ni moins, et pour l’ensemble des fonds nécessaires à l’acquisition (et pas seulement pour un acompte ou une garantie).
Toutefois, les Régions bruxelloise et wallonne ont décidé que si le compromis prévoit le paiement d’une somme (acompte, garantie,…), il soit nécessaire d’apporter la preuve que le don a été réalisé avant la date du compromis et ce, même si l’acquisition a été effectuée sous condition suspensive. Cette condition n’est par contre toujours pas requise en Région flamande où il suffit d’établir que la donation a eu lieu avant la signature de l’acte de vente notarié.
Dans tous les cas, la preuve contraire nécessite que toute donation préalable soit certainement rapportée antérieurement, au compromis pour les Régions bruxelloises et wallone, à l’acte, pour la Région flamande.
Quoiqu’il en soit, que vous soyez Flamands, Wallons ou Bruxellois, pour permettre de renverser cette fiction ou présomption au moment du décès du parent-usufruitier, sous peine de devoir engager un recours fiscal (dans les trois mois qui suivent le 3e jour ouvrable après tout avis d’imposition) et/ou de devoir payer injustement des droits de succession considérables, il nous parait utile de rappeler l’importance de se ménager toute preuve utile, en insistant pour que tout nu-propriétaire, enfant, constitue un dossier résistant à l’écoulement du temps qui peut être considérable jusqu’à l’extinction de l’usufruit de leur(s) auteur(s)…
Ce dossier devrait idéalement reprendre
- Le calcul de la valorisation de l’usufruit et donc, de la nue-propriété acquise,
- la preuve que le futur nu-propriétaire disposait des fonds nécessaires et suffisants sur son compte bancaire pour acquérir le tout,
- la totalité des fonds avant le compromis (pour les Bruxellois et les Wallons) ou avant l’acte définitif d’acquisition (pour les Flamands),
- la preuve que lesdits fonds ont permis de payer le prix de l’acquisition de la nue-propriété au moyen de ces fonds en conservant, à tout le moins, les extraits bancaires (avant qu’ils ne soient rendus inaccessibles avec le temps)
Enfin, et changement en cours non sans conséquence par rapport au sujet traité ci-avant, un décret de la Région wallone du 22 décembre 2021 (publié le 09-001-2022) prévoit d’adopter des mesures dites « pour un impôt plus juste» -sic, visant soi-disant à encourager l’enregistrement des donations mobilières mais en fait, à engranger davantage de droits de donation.
Jusqu’ici, tout wallon souhaitant donner une somme d’argent, avait la possibilité de faire enregistrer sa donation et de payer des droits de donation (3,3% en ligne directe ou entre époux & cohabitants légaux, 5,5% entre autres personnes) plutôt que, en cas de décès dans les 3 ans, des droits de succession bien plus importants au préjudice du donataire.
Le gouvernement wallon (mais pas les régions flamandes ou bruxelloises) a décidé récemment d’allonger le délai de 3 à 5 ans pour les donations faite à partir du 1er janvier 2022 !
Nous reviendrons prochainement sur cette problématique de traitement différent entre régions, par exemple en cas de déménagement en fin de vie du donateur. D’ici là, n’hésitez pas à poser les bonnes questions et par exemple, à couvrir ce nouveau risque de survie à 5 ans plutôt qu’à 3, à prendre l’initiative d’enregistrer une donation passée en cas de souci de santé, … car la vocation de toute planification patrimoniale est certainement de rechercher la quiétude pour soi et pour ses proches chéris.
Bonne année à toutes & tous !
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